mardi 26 mai 2009

- Isabelle Miler, présidente de l'ADAPEI 21, interview.


Isabelle Miler, présidente de l’Adapei de Côte d’Or« Parce que je suis un peu louve »

(Par Maud Salignat-UNAPEI)


Si Isabelle Miler s’est engagée à l’Adapei de Côte d’Or pour en assumer la présidence depuis un an, c’est par colère d’abord puis pour protéger toutes les personnes handicapées mentales, quasiment comme ses trois enfants.


Militer oui mais pas seule


Quand on rencontre Isabelle Miler, c’est qu’on a réussi à se caser dans l’un des rares trous de son emploi du temps. Prenez ce mercredi-là. Encore heureux que ce soit son jour de relâche, à l’office HLM où elle travaille. Car il faut se faufiler entre une interview à la radio, l’entraînement de handball du plus jeune de ses fils, Vincent, 12 ans, le déjeuner en famille (préparé la veille) et la réunion de fin d’après-midi au siège de l’Adapei de Côte d’Or.
Et quand on rencontre Isabelle Miler pour parler de son parcours de militante, c’est qu’on est arrivé à dépasser sa réticence naturelle à « se mettre en avant ».
Isabelle Miler, qui plus est, ne conçoit la présidence de l’Adapei 21 qu’en équipe. D’ailleurs, auprès d’elle ce jour-là, il y a celle qui se définit comme son « deuxième bras gauche », Jacqueline Muller. L’assonance de leur nom fait qu’on les confond souvent. Elles en rigolent volontiers. L’une et l’autre ont une fille autiste d’une vingtaine d’années. L’une et l’autre n’ont pas eu de réel diagnostic du handicap de leur fille. L’une et l’autre ont vécu les affres du manque de solution adaptée pour leur enfant. L’une et l’autre ont bien conscience d’avoir partagé là l’expérience de bien des parents d’enfants handicapés mentaux. Cette empathie avec leurs « semblables » est au cœur de leur engagement, quand en 2002, elles créaient la commission des parents d’enfants autistes de l’Adapei de Côte d’Or. Un premier pas qui les a très vite conduites à prendre les rênes de cette association, l’une en tant que présidente, l’autre vice-présidente.

Aux sources de l’engagement


Ce n’est pas pour trouver une solution pour Laurie, sa fille autiste, qu’Isabelle s’est engagée à l’Adapei. Isabelle Miler raconte ce qui a justifié de son engagement .

Laurie avait dix-huit ans alors, et le parcours du combattant était déjà en grande partie derrière Isabelle : sa fille était accueillie dans un hôpital de jour qui était assez ouvert à l’accompagnement éducatif.
Mais un jour, en discutant avec une maman, Isabelle s’est rendu compte que même si l’autisme, on en parlait désormais, les prises en charge demeuraient toujours aussi chiches. Ce qui lui a fait dire à l’époque : « Ils font de la pub mais il n’y a rien derrière ». De colère, Isabelle se dit qu’« il faut faire quelque chose ». Mais elle se dit aussi que créer une énième association dans l’autisme, cela serait s’éparpiller, gaspiller ses forces. Et puis, « que son enfant soit autiste, trisomique, polyhandicapé, il a des besoins qui sont souvent les mêmes ». D’adhérente lambda, Isabelle Miler devient alors administratrice, chargée de la commission de parents d’enfants autistes.
Isabelle ne nie pas que la recherche d’une solution pour son enfant puisse être à l’origine d’une adhésion à l’association. Mais selon elle, c’est surtout par altruisme que cette adhésion se transforme en engagement : « Si on ne vient que pour sa solution à soi, une fois que sa solution est trouvée, on va laisser tomber ».


Militer… puis présider


« Ce sont les autres qui nous poussent ». Isabelle Miler dit ne pas avoir « beaucoup réfléchi » avant de devenir présidente de l’Adapei 21. Non, le parcours a été naturel pour elle. Au point qu’elle est passée de l’étape bénévolat pour devenir tout de suite militante. Non pas qu’elle ait une âme de leader mais bien parce qu’une équipe s’était soudée autour de projets, de créations d’établissements notamment, et la nécessité s’est imposée d’elle-même. Pour elle, militer à l’Adapei, c’est réfléchir à des solutions d’avenir, faire en sorte que les choses avancent, mais aussi « protéger tous ces enfants comme le ferait une louve, une lionne même. Le cercle de mes enfants s’est élargi Isabelle Miler donne les détails de son parcours de « louve » protectrice », dit-elle.
L’Adapei n’est pas gestionnaire. Elle a créé une association de gestion, l’Ages Adapei. Même si les deux sont fortement imbriquées, ce choix a été fait pour garder à l’association son caractère familial, tout en ayant un « regard » sur le fonctionnement des établissements. Ce côté famille, Isabelle l’a à cœur. Elle a bien conscience que son engagement, comme celui de tout bénévole, de tout militant, implique toute sa famille. Ne serait-ce que pour lui laisser du temps à donner aux autres.
Le manque de solution pour les jeunes adultes autistes, Isabelle Miler l’a vécu et s’est très vite saisie de la problématique. Il aura fallu plus de 10 ans pour que l’IME où est accueillie Laurie se restructure pour devenir FAM et accueillir des adultes. Ce n’est certes pas le premier écueil qu’a dû vivre Isabelle, mère d’une fille autiste à une époque où l’on ne parlait pas d’autisme. Anecdote révélatrice : à l’époque, elle a compris le handicap de sa fille à travers un reportage des « Dossiers de l’écran »…


Un idéal mais aussi beaucoup d’organisation


L’engagement, sacrifice ou épanouissement ? « Ni l’un ni l’autre »Isabelle Miler décrit l’idéal qui la mène, mais aussi ce sens de l’organisation sans lequel rien ne serait possible , répond Isabelle Miler du tac au tac.
Elle, elle parlerait plutôt d’« idéal ». Parce que ces enfants-là parlent avec le cœur avant de parler avec la tête et qu’on ne peut pas ne pas les aider. Oui, mais elle l’admettra, présider une association quand on travaille et qu’on a un enfant handicapé, c’est quand même de l’organisation. Aussi pour elle est-il essentiel que ce soit un travail d’équipe.
« Si chacun donnait un tout petit peu de son temps, ne serait-ce que pour donner de la bonne humeur », se prend-elle à espérer…
La pénurie en bénévoles, notamment parmi les jeunes parents, l’Adapei 21 la vit comme beaucoup d’associations. Isabelle Miler a ses explications face à cette problématique. « Parce qu’il y a d’abord beaucoup d’associations », et donc beaucoup de dispersion des bénévoles. Et puis, il n’est pas évident pour un jeune parent d’entrer dans l’association. « Il faut avoir fait ce parcours individuel d’acceptation du handicap », avoir assez de recul pour faire appel à l’aide d’une association. Il est une réalité dont Isabelle a conscience : l’évolution vers une société de consommation qui veut qu’on vienne vers l’association quand on en a besoin. Autre évolution déterminante : le fait que les mères aujourd’hui travaillent et qu’il faut pouvoir ménager du temps. C’est possible, dit-elle envers et contre tout, avec de l’organisation, avec le concours de tous.

Même si elle n’en gère pas elle-même le quotidien, l’Adapei de Côte d’Or a été à l’origine de la création d’un foyer de vie pour 57 adultes en 1994, d’un FAM pour 33 adultes porteurs de multi-handicaps en 2008 et d’un accueil adapté de jour pour enfants et adolescents autistes en 2005.Ses projets à l’horizon de 2010-2011 : un FAM pour adultes autistes, une MAS pour adultes polyhandicapés, un projet d’accueil adapté pour personnes handicapées vieillissantes.Pour en savoir plus,consultez le site de l’association Adapei de Côte d’Or

sources : site internet www.unapei.org, rubrique "s'impliquer", "le MAG" mai 2009. Interview Maud Salignat-UNAPEI.