Il n'y a pas de que les Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) qui doivent s'adapter à la crise sanitaire. Dans les structures qui accueillent des personnes handicapées, le même défi est à relever. Reportage chez les Papillons Blancs, à Seurre.
Pour Carole Bouchot,
monitrice-éducatrice, cette animation est la bienvenue : « Depuis la
crise sanitaire, il y a un manque d’activités, comme on ne peut pas sortir […]. La médiation
animale crée du bien-être chez nos résidents et suscite des émotions ».
C’est surtout important pour eux de pouvoir toucher les animaux. Car à cause
des gestes barrières (lire par ailleurs), ils sont privés de contact. Alors que
« pour eux, c’est primordial », souligne Carole Bouchot.
Ce jour-là, lapins, perruches, cochons
d’Inde sont installés sur une table. Les résidents peuvent leur donner à
manger, les caresser ou encore les brosser. L’un d’entre eux, Yves, estime que
cette activité est « bien ». « C’est bien de voir tous les
animaux. C’est bizarre, mais c’est drôle », ajoute-t-il. Sur son épaule,
sont nichées Limonade et Citronnade, les deux perruches avec lesquelles il
s’amuse.
Cette activité revêt
différents objectifs : « On apprend à identifier les fruits et les
légumes (que mangent les bêtes, ndlr). Cela [peut] raviver des souvenirs de
jardinage. On travaille aussi la motricité fine, avec le brossage des animaux.
Ce qui permet également de développer le toucher, parce que ce ne sont pas les
mêmes textures de poils », détaille Julien Mollard.
À un moment, Yves
interroge : « Ça vit combien de temps un lapin ? ».
« En moyenne, un lapin nain vit cinq à six ans », lui répond
l’intervenant. Les six résidents se sont montrés enchantés de cette activité.
Ils ont posé quelques questions et ont passé beaucoup de temps à choyer les
animaux et à jouer avec eux.
<< On travaille aussi la motricité
fine avec le brossage des animaux >>
Julien Mollard, intervenant en pédagogie
et développement personnel par l’animal.
La difficile mise en place des gestes
barrières.
La directrice du service d’activités de jour et du service résidentiel du Val-de-Saône, Camille Picaut, revient sur la mise en place des gestes barrières dans l’établissement. Si une majorité d’adultes en situation de handicap ont globalement adopté le masque sans trop de soucis, pour d’autres, c’est plus difficile. Surtout, ils ont « besoin, pour se sentir épanouis, de contacts physiques, de lire les émotions sur le visage ». « 70 % à 80 % de la communication est non verbale, donc les masques entraînent des difficultés de communication ».
L’entreprise côte-d’orienne Proteor a
fourni des visières à ceux ne pouvant pas porter de masque. Certains, parmi le
personnel de la structure, ont porté des masques inclusifs transparents pour
que les adultes en situation de handicap puissent lire sur leurs lèvres.
« Sur un public qui a des difficultés de compréhension, le masque est
difficile à tenir. D’autant plus que certains font de l’hypersalivation »,
précise Camille Picaut. Mais d’autres, qui ont certaines pathologies, ne
pourront jamais supporter le masque ou la visière. Il s’agit d’une personne en
particulier, qui vient chaque jour avec une navette arrivant de Dijon. Et c’est
complexe, car il n’est pas possible de mettre du carton pour la séparer des
autres dans ce véhicule, ni, pour des raisons de sécurité, de Plexiglas.
« Mettre de la distanciation physique, c’est
compliqué »
Le plus difficile a été de mettre en
place les gestes barrières. « Ce sont des adultes qui ont besoin de
contacts. Les professionnels doivent faire la différence entre les besoins
réels de la personne, qui peut avoir besoin d’un contact, et si c’est une
question de provocation. Il a fallu accompagner les professionnels […] »,
détaille Camille Picaut.
Pour Carole Bouchot,
monitrice-éducatrice, la crise sanitaire a enlevé « beaucoup de
spontanéité ». « Mettre de la distanciation physique, c’est
compliqué. Il faut respecter le cadre sanitaire, mais aussi respecter leur
bien-être. »
Fabienne Baptista, aide
médico-psychologique, affirme que les adultes en situation de handicap ont
« assez vite accepté le port du masque », même s’« il faut
toujours être derrière ». Car parfois, ils le mettent à l’envers ou alors,
il faut le remonter sur leur nez, etc. Elle aussi parle du contact physique
important pour ce public, « il fallait rassurer certaines
personnes », et détaille les difficultés que cela engendre :
« On voit moins leurs traits du visage et c’est plus difficile de voir
comment ils vont ».
<< Il faut respecter le cadre sanitaire, mais aussi respecter leur bien-être >> Carole Bouchot, monitrice-éducatrice.
Seurre
- Un dispositif d’accueil
qui a évolué tout au long de la crise sanitaire.
Pour la structure Val-de-Saône des
Papillons blancs de Beaune et sa région, l’année qui vient de s’écouler a été
compliquée. La crise sanitaire a en effet engendré de perpétuels ajustements et
modifications. Les services ont même dû affronter un cluster au mois d’octobre,
avec vingt et une personnes contaminées parmi le personnel et des adultes en
situation de handicap.
MARS Fermeture du service d'activité de jour.
À Seurre, l’association accueille 40 adultes au sein de son service d’activités de jour (SAJ) et 24 dans son service résidentiel (SR). Il s’agit de personnes ayant un handicap mental et dont les compétences ne sont pas assez développées pour qu’elles puissent travailler en établissement et service d’aide par le travail (Esat). Avec le confinement en mars, le SAJ a dû fermer. Les adultes vivant sur place ont eu le choix de rester dans la résidence ou de rentrer dans leur famille. Une douzaine d’entre eux sont restés. « Nous avons mis en place un accompagnement à distance, avec deux appels hebdomadaires auprès des familles. Les professionnels ont également fourni un kit d’activités à la demande, renouvelé régulièrement. Pour les situations complexes, il y a eu des visites à domicile. Il s’agissait d’une sorte de sas de décompression avec une personne extérieure qui connaît bien l’adulte. Pour le service résidentiel, nous avons mis en place de la visio avec les familles des résidents. Et, vers la fin, nous avons déclenché des rendez-vous physiques », détaille Camille Picaut, directrice du SAJ et du SR pour adultes en situation de handicap du Val-de-Saône.
MAI Roulement entre deux équipes.
Après le confinement, la structure a mis
en place un roulement entre deux équipes. Les adultes étaient accueillis une
journée sur deux, pour « faire en sorte qu’il n’y ait pas de
croisement ». Le service d’activité de jour accueillant 40 personnes, cela
signifiait que 20 étaient accueillies chaque jour. « Nous avons mis à la
disposition des professionnels une machine à laver pour qu’ils puissent se
changer sur place », précise Camille Picaut. « Cela a été un vrai
bouleversement. Ils ont pris des réflexes que l’on trouve chez les
soignants. » Cette situation a duré jusqu’à fin juillet, le SAJ étant
fermé en août pour les vacances.
OCTOBRE Un cluster avec 21 personnes
contaminées, le SAJ de nouveau fermé.
En septembre, tous les adultes ont été
accueillis au service d’activités de jour. « Nous avons maintenu les
gestes barrières et les activités étaient limitées », indique la
directrice. Puis, il y a eu un premier cas positif au Covid-19 le 24 octobre.
« En deux semaines, nous avons eu 21 cas positifs déclarés. Nous avons
contacté toutes les familles une par une pour expliquer la situation. » Il
n’y a pas eu d’hospitalisation ou de cas grave. Mais le SAJ a été fermé. Les
adultes résidant sur place et ayant été contaminés ont été isolés dans leur
studio. « Les professionnels entraient dans leur chambre avec une charlotte,
des surchaussures, une blouse. C’était la première fois qu’ils étaient
confrontés à une situation sanitaire de cet ordre. L’accompagnement a été très
important. » Pendant le deuxième confinement, le même dispositif que le
premier a été mis en place, avec l’accompagnement à distance.
FIN NOVEMBRE Réouverture du service d’activités de
jour et les groupes accueillis une semaine sur deux.
Le SAJ a rouvert ses portes le 30
novembre, une fois le cluster terminé. Comme précédemment, le groupe a été
scindé en deux, mais chaque petit groupe a été accueilli non pas un jour sur
deux, mais une semaine sur deux. « Toutes nos actions ont été validées par
l’ARS (Agence régionale de santé) », souligne Camille Picaut.
DÉBUT FÉVRIER Tous les adultes reçus en même temps.
Depuis le 1er février, les 40
adultes sont accueillis au SAJ en même temps, mais avec des pauses en décalé et
deux services de restauration le midi.
L’impact du Covid sur l’accompagnement
personnalisé
Camille Picaut, directrice du service d’activités de jour et du service résidentiel pour adultes en situation de handicap du Val-de-Saône, avance qu’avec la crise sanitaire, les professionnels ont le sentiment d’avoir perdu de leur valeur éducative, car on leur « impose de faire certaines choses à la place de l’adulte ». De plus, certaines personnes en situation de handicap ont connu un ralentissement moteur et psychique, dû au fait qu’« on leur a enlevé la possibilité de faire par [elles]-mêmes ». Il faut savoir que, dans cette structure, l’accompagnement est personnalisé. « Nous sommes là pour développer les compétences des adultes. Il s’agit d’un vrai travail d’analyse. Les ateliers mis en place répondent à ces pistes de travail. » Mais, avec la crise sanitaire, les activités sont limitées et désormais peu variées. Les adultes en situation de handicap sont habitués aux sorties culturelles, à l’équitation, la balnéothérapie, la piscine, etc. « Nous avons un panel d’activités très large », souligne Camille Picaut. Ces activités sont renouvelées chaque année pour continuer à faire évoluer les adultes.
Source : Journal "Le bien Public", édition Beaune, le 19/02/2021