mardi 18 novembre 2008

- Bourgone Economie - Spécial Handicap & emploi

Mille salariés handicapés aux Ateliers de Bourgogne

Les ESAT, ex-CAT offrent une véritable solution à de nombreuses entreprises.

Le GIE Les Ateliers de Bourgogne est une structure qui regroupe 12 ESAT (Etablissement et Services d’Aides par le Travail) répartis entre la Côte d’Or et la Saône-et-Loire et qui emploient un peu plus de mille salariés handicapés. Ces établissements ont des gestions autonomes mais ils peuvent mettre en commun leurs compétences pour répondre à des commandes particulières d’entreprises qui voient ainsi l’occasion de sous traiter et de satisfaire à leur obligation d’emploi de personnes handicapées.



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Le GIE les Ateliers de Bourgogne et ses douze établissements

A Beaune, deux commerciaux cherchent de nouveaux débouchés pour les ateliers.

C’est un monde souvent méconnu qui remplit pourtant un rôle économique indéniable. Les personnes handicapées travaillant au sein des ESAT (Etablissement et Services d’Aide par le Travail, les anciens CAT) font preuve d’une réelle compétence. Depuis plus de 20 ans, le GIE Les Ateliers de Bourgogne est l’interface entre les entreprises et le milieu du travail protégé.
A sa tête, deux commerciaux épanouis par leur mission.
Delphine Chevassus a été responsable commerciale en grande distribution, pendant six ans : « C’est vraiment valorisant de donner du travail à des personnes handicapées et c’est enrichissant au point de vue personnel, car on a le plaisir de rencontrer toutes sortes d’entreprises ».
Tout aussi enthousiaste, Paul Becker est le technico-commercial qui anime depuis longtemps ce GIE. « On a beaucoup professionnalisé notre démarche et notre savoir-faire. Auparavant, je vendais des motos pour une célèbre marque à Beaune. Le GIE cherchait un profil comme le mien qui soit avant tout un commercial ». Le ton est donné, car même si le GIE Les Ateliers de Bourgogne remplit une mission sociale avec une forte valeur ajoutée éthique, Delphine Chevassus comme Paul Becker savent qu’au moment de signer un contrat, ils ont en face d’eux un chef d’entreprise qui attend une solution rapide et adaptée à son problème : « On met surtout en avant le savoir faire de nos ESAT.

Un chiffre d’affaires de 1,3 M €

On parle des compétences et on ne majore pas nos prix, sous prétexte que nous travaillons en secteur adapté. On joue vraiment le jeu de la compétitivité ».
Le chiffre d’affaire du GIE en tant qu’apporteur d’affaires aux douze ESAT s’élève à 1,3 M €. Ce chiffre est déjà conséquent mais il est loin de traduire toute l’ampleur du phénomène économique de ces ESAT. Chacun de ces établissements est en effet autonome dans sa gestion, mais le cumul de tous ces chiffres d’affaires représente plusieurs dizaines de millions d’euros. Ces douze ESAT donnent du travail à 1 050 ouvriers et à 150 encadrants et techniciens. Toutes les unités de production sont équipées de moyens industriels conséquents. Leurs savoir-faire embrassent des secteurs très diversifiés : conditionnement, emballage ; assemblage, câblage ; imprimerie et sérigraphie, façonnage d’imprimerie ; routage et mailing ; travail du fer et du bois ou encore prestation de services dans les espaces verts, la blanchisserie ou la restauration. Deux de ces établissements sont même certifiés ISO 900.

Une partie en Saône-et-Loire

Ce GIE regroupe une partie de ses établissements en Saône-et-Loire (ESAT APAJH de Chalon-sur-Saône, l’établissement d’Autun, l’ESAT Fauconnet de Chalon, celui du Breuil et ceux de Montret et de Tournus. Ces deux derniers sont gérés par leurs communes respectives).
Si certains de ces établissements ont des activités similaires (espaces verts, blanchisserie ou conditionnement) d’autres affichent des orientations plus audacieuses. C’est le cas des Ateliers Le Goéland de Chenôve dont l’une de ses quatre activités est tournée vers les métiers de l’imprimerie.
Cet atelier accueille des malades psychotiques stabilisés qui peuvent ainsi mettre à profit tout leur potentiel intellectuel et créatif. Ils conçoivent et réalisent des imprimés, cartes de visite, faire-parts, affiches, calendriers, etc. Ils assurent aussi des impressions sur tous supports ;
L’ESAT de Dijon travaille sur des machines à commandes numériques et celui de Montbard assure des routages mécanisés pour les bulletins et les journaux.
Grâce à cette diversité et cette complémentarité des compétences, le GIE peut proposer des solutions globales pour ses entreprises clientes.



Franck BASSOLEIL

GIE Ateliers de Bourgogne, 28 rue du Faubourg Madeleine à Beaune
e-mail : ateliers.bourgogne@wanadoo.fr ou Tél. 03.80.24.19.07


Les 12 établissements

L’ESAT de Marsannay-la-Côte, géré par l’ACODEGE a 215 ouvriers.
L’ESAT APAJH de Chalon-sur-Saône emploie 84 adultes.
L’ESAT APF de Quétigny Clothilde Lamborot, géré par APF a 50 emplois temps plein.
L’ESAT Les Papillons Blancs de l’Autunois a un effectif de 71 travailleurs et 20 encadrants.
L’ESAT de Beaune accueille 95 personnes.
L’ESAT Fauconnet à Chalon-sur-Saône emploie 120 travailleurs handicapés et 25 salariés sur trois sites.
L’ESAT Le Breuil est organisé autour de 8 pôles et emploie 150 salariés.
L’ESAT Le Goéland à Chenôve a 35 travailleurs handicapés.
L’ESAT Montbard assure du travail à 115 personnes.
L’ESAT Montret est une ferme de polyculture avec 73 travailleurs.
L’ESAT PEP 21 à Fontaine-lès-Dijon a 57 employés.
L’ESAT Tournus Le Clos Mouron ouvert en 1989 a des ateliers de sous-traitance, vigne et maraîchage.




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Le handicap devient un enjeu pour la gestion des ressources humaines

Philippe Chaussade, président des Papillons Blancs de Beaune tire la sonnette d’alarme.

Jusqu’ici, l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés était le plus souvent contournée par les entreprises qui préféraient aux mieux, sous traiter une partie de son activité par un ESAT-CAT ; au pire, s’acquitter d’une contribution, versée à l’AGEFIPH. En 2010, le calcul de cette contribution pénalisera considérablement les mauvais élèves.

En quoi ces nouvelles dispositions de la loi Handicap vont véritablement peser sur la comptabilité des entreprises qui n’ont jamais fait l’effort d’embaucher leur quota de salariés handicapés ?

Philippe Chaussade : « Depuis la loi du 10 juillet 1987, complétée par la loi du 11 février 2005, les entreprises employant au moins 20 salariés sont tenues d’embaucher 6 % de salariés reconnus handicapés. Les entreprises ont largement eu le temps de remplir cette obligation, d’autant qu’elles pouvaient le faire de différentes façons. Elles pouvaient en embaucher directement ou avoir recours aux entreprises adaptées ou aux centre de distribution de travail à domicile. Elles étaient exonérées jusqu’à 50 % de leur obligation quand elles sous-traitaient une partie de leur activité aux établissements et services d’aides par le travail (ESAT). Elles pouvaient encore accueillir des salariés handicapés, dans le cadre d’un stage de formation professionnelle. Toutes ces dispositions sont reprises par la loi de février 2005. Ce qui change vraiment à partir de 2010, c’est le renforcement de la contribution versée à l’AGEFIPH (Association nationale pour la GEstion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) qui sera même triplée pour les entreprises qui n’auront fait aucun effort au cours de ces trois dernières années. »

Concrètement, qu’est-ce que cela pourra représenter pour une PME ?

P. C. : « Cette contribution sera calculée en fonction du nombre de travailleurs handicapés à employer (Unité Bénéficiaire), avec un coefficient spécifique, selon la taille de l’entreprise. Ainsi pour chaque UB manquante, une PME de 20 à 199 salariés devra s’acquitter de 400 fois le montant du SMIC horaire. Entre 200 et 749 salariés, ça sera 500 fois ce montant et à partir de 750 et plus, ça sera 600 fois le SMIC horaire. La loi prévoit également que les établissements qui n’auront rien fait depuis trois ans, devront payer 1 500 fois le SMIC horaire, quelque soit son effectif ! L’AGEFIPH a fait des simulations. Dans le cas d’une PME de 100 employés n’employant aucune personne handicapée, cette contribution reviendra à 20 904 €. Pour une entreprise de 250 salariés qui aura rempli son obligation à hauteur de 2 %, en embauchant 5 travailleurs handicapés, sa contribution s’élèvera à 34 550 € ! ».

L’application de ces nouvelles dispositions interviendra bientôt, ce qui ne va pas aider les PME, déjà soumises à la crise. Le plus surprenant, c’est qu’on a le sentiment qu’elles vont se réveiller au dernier moment.

P. C. : « Ce n’est pourtant pas faute de les avoir alertées à temps. On a multiplié les réunions d’information avec le MEDEF et la CGPME. Les instances dirigeantes de ces syndicats professionnels étaient convaincues de leur utilité, mais on constatait qu’aucun chef d’entreprise ne venait s’informer. Seuls les DRH des grosses sociétés sont intéressés, car ils subissent la pression de leur directeur financier qui va leur demander des comptes.
D’après le rapport 2007 de l’AGEFIPH, 73 % des entreprises rempliraient tout ou partie de leur obligation légale. Actuellement, le taux d’emploi des personnes handicapées se situe à 2,7 % et 27 % des entreprises qui remplissent une partie de leurs obligations légales le font en versant uniquement une contribution à l’AGEFIPH. ».

Que peuvent faire les entreprises de bonne volonté ?

P. C. : « Il faut qu’elles profitent des services et des conseils gratuits de certains services qui existent en Côte d’Or. On est en effet le seul département à présenter toute la panoplie d’organismes spécialisés. On a la chance d’avoir l’Union Départementale pour l’Insertion Professionnelle 21 (UDIP) qui a remis 120 personnes sur le chemin de l’emploi. Le Service d’Aide de Maintien en Entreprise (SAMETH) intervient dans les entreprises qui le demandent pour mettre en œuvre une solution rapide et individualisée. Deux chargés de mission de Cap Emploi vont étudier l’adaptation du poste de travail au salarié handicapé. Le GIPE 21 répondra aux entreprises qui cherchent à employer une personne handicapée. L’entreprise n’a plus qu’à faire le choix final, en fonction des compétences requises ».

Au-delà de ces calculs imposés par la loi, une question de fond demeure : peut-on concilier une exigence de rentabilité classique telle que la vivent les entreprises et l’embauche d’une personne handicapée ?

P. C. : « Oui et on apporte la démonstration à travers une entreprise adaptée tournée vers le travail de la vigne à Beaune et que nous avons transformée juridiquement en société classique. Il s’agit de la SASU EAV qui est soumise aux mêmes contraintes que toutes les sociétés depuis le 1er janvier 2008. Elle fait travailler 50 salariés, dont trois vont en CAP et deux en VAE. Tous sont formés. On travaille avec une trentaine de domaines viticoles en Côte d’Or, dont celui des Hospices de Beaune depuis deux ans. On n’a pas sélectionné nos handicaps pour atteindre un objectif. Le choix s’est fait selon le projet personnel de chacun. Malgré leurs handicaps, on constate deux fois moins d’absentéisme que dans une société classique.

Franck BASSOLEIL


source : Journal "Le Bien Public" - "Le journal de Saône et Loire" - "BOURGOGNE ECONOMIE" - mardi 18 novembre 2008 - N°272 - Troisième cahier.
Textes et photos : Frank BASSOLEIL