L’autisme reste aujourd’hui difficile à assumer sur un plan social. Cela dit, les associations ont réussi à sensibiliser le gouvernement. Le point avec Fabien Joly, psychologue au CHU de Dijon.
Pendant longtemps, l’autisme était assimilé à une maladie honteuse. Depuis les années 2000, les mentalités ont évolué et les pouvoirs publics, avec la communauté médicale, ont participé à la création en 2005 des centres ressources autismes (CRA), dans chaque région de France. Ces CRA sont des lieux experts où l’on reçoit les familles, les professionnels du secteur médico-social, et où les diagnostics peuvent se faire.
Deux idées reçues
Fabien Joly est psychologue, psychanalyste et le coordinateur du CRA Bourgogne, entité installée au CHU de Dijon. A l’occasion de la journée mondiale de l’autisme du 2 avril, ce psychologue tient à rappeler que « la maladie autistique est une maladie du développement. A vrai dire, il y a donc plusieurs autismes, différentes particularités de fonctionnement avec des retards qui s’organisent au cours du développement, assez tôt, vers 3 ans. » Autrement dit, il faudrait diagnostiquer ces troubles dès le plus jeune âge, vers deux ans et demi,
trois ans, au lieu des neuf ans en moyenne en France. « Quand j’ai commencé dans ce métier, nos connaissances nous permettaient de dire qu’il y avait 4 à 5 enfants sur 10 000 qui étaient autistes.
Aujourd’hui, on dit 1 sur 150 », poursuit Fabien Joly. Reste alors une question : comment expliquer cette explosion du nombre de personnes avec des troubles autistiques ? Là encore, Fabien Joly explique qu’« on diagnostique mieux et, surtout, (qu’)on a changé les critères de diagnostic et d’évaluation, et élargi considérablement le spectre des troubles dit autistiques ».
Et les idées reçues sur l’autisme, ont-elles aussi évolué ? En existe-t-il encore ? Réponse du coordinateur du CRA Bourgogne : « Il y a au moins deux idées reçues, aussi injustes l’une que l’autre. La première, c’est que cette maladie du développement serait liée à un mauvais environnement. En gros, maman est déprimée, il y a des événements importants et difficiles dans la vie des parents, des éléments relationnels vont infléchir le développement de cet enfant qui va présenter un autisme. Ça, on l’a dit pendant 50 ans, et les parents se sont sentis très culpabilisés, ça a fait des dégâts. »
Seconde idée reçue, le fait que l’autisme serait une maladie génétique simple. « On n’a pas, comme dans la trisomie, un gène abîmé », note Fabien Joly, et il continue : « Pour combattre la première injustice, maintenant, on dit qu’on va trouver le gène de l’autisme : ce qui n’est pas possible. Autrement dit, l’autisme est bien un trouble du développement, inutile de culpabiliser qui que ce soit, et notamment les parents. Si on arrive à faire passer ce message, on calmera les guerres et les polémiques inutiles. »
Avec cette journée mondiale du 2 avril, les quelque mille associations qui existent en France comptent bien sensibiliser et l’opinion publique et les pouvoirs publics. D’autant que le véritable enjeu est d’apporter aux enfants autistes un soutien à la fois éducatif, pédagogique et thérapeutique favorisant une meilleure adaptation sociale.
Un accompagnement sur mesure : Le point avec Denis Graindorge, directeur du secteur enfance des PAPILLONS BLANCS
Exemple d'une structure d'accueil de jour d'enfants autistes avec l'IME du Square de Cluny et la section SERENATE, géré par l'association Les Papillons blancs de Beaune.
Ouvert en 2008, cette section SERENATE reçoit les enfants à partir de 3 ans (et jusqu'à 18-19 ans) et sur un rythme scolaire, du lundi au vendredi. Malgré les 15 places agréées, seules 8 places sont ouvertes, faute de financements supplémentaires.
En quoi consiste précisément votre mission auprès des enfants autistes ?
"L'idée, c'est de permettre de développer au maximum leur personnalité et leurs capacités, comme tout enfant. C'est donc leur apporter une éducation adaptée à leur handicap. En fait, l'idée de notre projet, c'est de leur offrir des prises en charge vraiment spécifiques en lien avec leur autisme, relativement individualisées. Notamment pour des problèmes de communication, des problèmes relationnels et d'apprentissage de la relation au monde extérieur courant. Tout ceci dans une optique de les faire accéder à une certaine forme de socialisation, soit par le biais d'une scolarisation, soit par l'accueil dans des groupes éducatifs, en lien avec un IME."
Recevez-vous beaucoup de demandes de familles qui souhaitent placer leur enfant ?
"Aujourd'hui, j'ai une dizaine de demandes en attente, sur huit places disponibles."
Que l'autisme soit déclaré grande cause nationale 2012, cela peut-il apporter quelque chose pour vous qui êtes professionnel ?
"La grande difficulté, c'est l'absence de financement. si cette mise en avant peut permettre de débloquer la situation, si ça peut aider à la création de structures d'accueil de jour ou d'internat, ce sera forcément une bonne chose, au-delà de la sensibilisation de l'opinion publique."
Comment cette prise en charge spécialisée est-elle vécue par les familles ?
"Elles étaient dans une telle attente qu'elles ont été soulagées. Mais il ne faut pas dénigrer ce qui se faisait avant, avec l'aide médico-sociale qui a développé un certain savoir-faire. Il faut aussi rappeler que l'accompagnement d'un enfant autiste doit être sur mesure, car il y aura énormément de formes d'expression d'autismes. Nous sommes dans quelque chose de complexe, rien n'est binaire. Nous ne sommes pas soit dans un tout psychanalytique, soit dans un tout éducatif."
Propos recueillis par Emmanuel HASLE
Source : journal "Le Bien Public" dossier Côte d'Or, mercredi 28 mars 2012